D’une culture vivrière à une culture d’exportation

L’émergence de la banane antillaise en tant que culture d’exportation intervient dans l’Entre-deux-guerres. Elle résulte de la jonction de plusieurs facteurs.

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Exportation des bananes depuis la Guadeloupe. 1930 @Fonds UGPBAN

Avant 1918 : de timides essais d’exportation

En Guadeloupe et en Martinique, le bananier fait partie des cultures vivrières. Il est aussi utilisé pour fournir de l’ombre aux cultures de café et de cacao et procurer un revenu complémentaire.

Les planteurs hésitent à investir dans la culture de la banane en vue de l’exportation. Pourquoi ? Parce que le transport vers la métropole n’est pas garanti. En effet, la Compagnie générale transatlantique (la Transat) qui assure les liaisons avec la métropole dispose de peu de navires pourvus de cales réfrigérées adaptées à la conservation de ce fruit fragile. De plus, les techniques de récolte, comme la coupe des régimes, sont mal maîtrisées par les producteurs habitués à vendre sans délai sur le marché local. Or, au terme d’un voyage de 10 jours vers la métropole, de nombreuses avaries sont déplorées.

L’essor de la consommation française

Dans l’entre-deux-guerres, la demande de bananes augmente sensiblement dans l’Hexagone. La consommation explose durant les années 1920 : elle est presque multipliée par dix en une décennie et s’élève à 112 000 tonnes en 1928 (aujourd’hui, nous consommons 600 000 tonnes de bananes par an). Cependant, la production antillaise sur le marché français ne dépasse pas les 7 % car la France s’approvisionne surtout auprès de compagnies étrangères, notamment Fyffes. Les bananes proviennent alors des Canaries : le trajet moins long et l’emploi de bateaux équipés de cales réfrigérées leur permettent de supporter le voyage dans de meilleures conditions.

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Les déclencheurs du changement

Durant les années 20, la France traverse une crise monétaire sans précédent. En 1928, le président du Conseil, Raymond Poincaré, décide de dévaluer le franc pour stimuler les exportations françaises et de mettre en œuvre des mesures protectionnistes. La France doit trouver une solution pour ne plus dépendre de la banane étrangère.

La même année, la Guadeloupe est frappée par un cyclone qui détruit les plantations de caféiers et de cacaoyers. Or, les caféiers et cacaoyers requièrent un délai de cinq ans avant de fournir leur première récolte, tandis que les bananiers produisent des fruits en neuf mois seulement. 

Enfin, les tenants de la filière sucre cherchent une solution urgente pour sortir les Antilles de la monoculture de la canne. Depuis le 18e siècle, la Martinique et la Guadeloupe approvisionnent la métropole en sucre. Mais, cette culture montre des signes inquiétants de déclin face à la concurrence mondiale en général, et à celle de la betterave sucrière métropolitaine en particulier. Le spectre d’une crise économique et sociale menace les Antilles.

Le gouvernement encourage les colonies à produire de la banane

Cette convergence de facteurs conduit les pouvoirs publics à réfléchir au développement de l’économie bananière française et plus généralement à la mise en valeur économique de l’empire colonial français. L’Etat choisit de maintenir les colonies dans leur fonction traditionnelle de fournisseurs du marché métropolitain en produits tropicaux. Il se met alors en quête de nouvelles cultures d’exportation. La banane s’impose pour remplir ce rôle.

À partir des années 30 est donc lancée la première politique commerciale de la banane. Elle prévoit le contingentement des importations étrangères. En parallèle, elle encourage les planteurs antillais et africains à cultiver la banane puisque la demande approche désormais 175 000 tonnes. Enfin, le gouvernement obtient de la Transat des liaisons hebdomadaires dédiées au transport de la banane entre les colonies et la métropole. Ainsi dès 1938, la banane coloniale parvient à couvrir intégralement les besoins du marché français. En quelques années, la culture de la banane est devenue un moteur de l’agriculture antillaise et africaine.

Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale va interrompre brutalement l’expansion de la banane française.

 

Fonds UGPBAN

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