Longtemps, de nombreuses caves en ville ont regorgé de régimes de bananes. La raison ? Il s’agissait des premières mûrisseries dédiées à ce nouveau fruit venant des Tropiques. Ouvrons la porte, descendons quelques marches et partons à la rencontre des anciens mûrisseurs…
Mûrir la banane dans les caves
Le mûrissage des bananes est longtemps resté une activité artisanale et empirique. Jusque dans les années 1960, il existe des centaines de mûrisseries réparties sur l’ensemble du territoire au plus près des centres de consommation. Couvrant un rayon très local, elles traitent des volumes réduits. En 1960, 1 217 mûrisseries artisanales, dont 300 en région parisienne, se répartissent dans les principales villes et chefs-lieux de département, à proximité des marchés de centre-ville. Les petites mûrisseries traitent environ 100 tonnes de bananes par an tandis que les plus grosses en commercialisent dix fois plus. Souvent, le mûrisseur est également grossiste vendant les bananes mûres aux détaillants du voisinage.
Des bananes mûries au gaz de ville
Pour reproduire le climat tropical, les mûrisseurs s’installent dans les caves des immeubles qui leur assurent une hygrométrie élevée et une température douce et stable. L’utilisation du gaz de ville, pour provoquer la production d’éthylène, se développe dans l’entre-deux-guerres. En effet, le gaz dégage de la chaleur et de l’humidité, ce qui déclenche la maturation de la banane. À ce stade, la durée et la qualité du mûrissage demeurent encore très aléatoires. Et les mûrisseurs redoutent en permanence le risque d’explosion lié à une mauvaise manipulation du gaz ! Rares sont alors les entrepôts spécifiques comportant de véritables chambres de mûrissage. Il en existe quelques-uns, dès les années 20, appartenant à de gros importateurs comme l’irlandais Fyffes.
Mûrisseur, un métier physique
« Le métier de mûrisseur est un véritable travail de force. Il faut décharger manuellement les régimes de bananes vertes, les suspendre dans des caves étroites et les découper une fois mûres, afin qu’elles soient vendues dans la journée. Les transactions avec les clients sont conclues la nuit et toute l’année sans interruption. » Témoignage de M. España (mûrisserie Fenes à Rungis)
C’est un travail de manutention épuisant puisque les bananes arrivent sur leur régime qui pèse 40 kg environ. Toutes les opérations se font à la main. Dans la cave, les régimes sont d’abord débarrassés de la paille et du papier qui les a protégés pendant le voyage. Puis le mûrisseur entoure le trognon d’une ficelle, avant de suspendre le régime. Les caves sont en effet équipées de barres de fer fixées au plafond et munies de crochets. La maturation peut dès lors commencer puisque le peu de sève contenu dans le trognon du régime suffit à enclencher le processus. Une fois les régimes mûris, les mûrisseurs les découpent et préparent les bouquets de bananes pour les détaillants. Parfois, c’est le régime entier qui est vendu.
Ce système artisanal est progressivement remplacé, à partir des années 60, par un réseau de mûrisseries industrielles modernes réparties sur tout le territoire et installées principalement au cœur des nouveaux marchés d’intérêt national.