À l’occasion des élections européennes du 26 mai, partons à la découverte du marché européen de la banane à travers un long conflit commercial baptisé la « Guerre de la banane ».
Une histoire qui démarre en 1993
Avant 1993, la banane des Antilles s’intéresse peu à l’Europe puisqu’elle trouve tous ses débouchés sur un seul marché, celui de la France. En effet, depuis de nombreuses décennies, la France a sécurisé son approvisionnement en bananes en fermant ses frontières dans une volonté protectionniste affichée. Dès les années 30, l’état français a encouragé la production de bananes dans ses territoires d’outre-mer, anciennes colonies antillaises et africaines, devenues ensuite départements français pour les unes et états indépendants pour les autres. Depuis 1962, c’est le système du 2/3-1/3 instauré par le général de Gaulle qui est en vigueur : les deux tiers du marché national sont réservés à la banane des Antilles et le reste à la banane africaine.
Mais le 1er janvier 1993, cette organisation éclate lorsque la France intègre le grand marché unique européen. Dès lors, plus de frontières pour protéger la banane antillaise de la concurrence de la banane dollar (provenant des pays d’Amérique latine) où les coûts de production sont largement inférieurs à ceux de la Guadeloupe et la Martinique qui appliquent le droit social français.
Le bouleversement du marché unique
En créant le marché unique, l’Union européenne met en place un système dédié au commerce de la banane : l’Organisation Commune des Marchés de la Banane (OCMB). L’OCMB prévoit la libre circulation de la banane au sein de l’Union européenne par la suppression des barrières commerciales internes. Si c’est une véritable opportunité pour la banane dollar qui voit de nouveaux marchés s’ouvrir à elle, c’est au contraire une catastrophe pour la banane des Antilles et ses consœurs européennes (Canaries et Madère). La banane européenne ne peut rivaliser en termes de prix avec la banane dollar en raison de ses coûts de production bien plus élevés. Rappelons que le salaire d’un ouvrier agricole français dans une bananeraie de Martinique ou de Guadeloupe est 100 % plus élevé que celui d’un ouvrier équatorien ou colombien !
L’Union européenne tente cependant de protéger la production communautaire dans le cadre de cette ouverture des frontières. Elle met en place un système de contingentement qui limite les volumes de bananes en provenance de la zone dollar. En outre, elle protège les producteurs européens en leur accordant une aide financière pour compenser les écarts de prix avec les bananes des pays tiers.
Le début de la Guerre de la banane (1993-2005)
Dès sa création, l’OCMB est jugé trop protecteur par les états de la zone dollar. Rapidement, les pays d’Amérique latine étroitement associés avec les trois grandes multinationales des États-Unis, Chiquita, Dole, Del Monte, accusent l’Union européenne d’entraver les règles internationales du commerce. L’affaire finit par être portée au niveau de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Face aux pressions internationales, l’Union européenne finit par céder et met en place un nouveau régime communautaire d’importation de bananes en 2006.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le découvrir !
Avant 1993 les ANTILLES Françaises exportent déjà depuis de nombreuses années leurs excédents de quotas sur les autres pays européens,principalement Italie, Angleterre,Allemagne.
Dans les années 1970 des expéditions ont même été réalisées vers les USA
Merci pour ces précisions très intéressantes !
La nouvelle ‘affaire’ de la chlordécone n’est-elle pas une énième péripétie de ce protectionisme ? Les producteurs, sûrs de l’écoulement de leur production, n’auraient-ils pas voulu sécuriser leurs produits en utilisant un pesticide dangereux mais justifiant la promotion de leur produit face à la concurrence étrangère ? Le consommateur français, puis européen, aurait donc été pénalisé par l’achat de bananes au prix fort du fait de cette protection, et devrait maintenant assumer une deuxième fois cette protection par des remboursements suite aux dégâts causés par le pesticide. Encore une double peine ?
Bonjour,
Merci pour votre intérêt à notre blog et à l’histoire de la banane antillaise.
Depuis des décennies, les producteurs de bananes doivent lutter contre un insecte ravageur, le charançon. Au cours de l’histoire, différents pesticides ont été employés contre celui-ci. Parmi ceux-ci, le chlordécone a été utilisé, comme dans d’autres zones de production ou sur d’autres cultures (pomme de terre).
Entre 1972 et 1993, le chlordécone a été autorisé à la vente, par les autorités sanitaires françaises. Son utilisation faisait l’objet d’un process agricole, validé et imposé par les autorités de l’époque (Ministère de l’Agriculture). Aucune alternative efficace n’existant pour lutter contre ce nuisible, les producteurs de l’époque ont donc utilisé le chlordécone dans l’ignorance de sa persistance dans le sol sur de longues périodes.
Il n’y a donc pas de lien entre le protectionnisme français puis l’ouverture du marché européen, et l’emploi du chlordécone dans les bananeraies aux Antilles.