Louis XVIII amateur de bananes françaises !

En 1822, le roi Louis XVIII goûte, pour la première fois de sa vie, une banane. Fait surprenant : il s’agit d’une banane produite en France !

Portrait de Louis XVIII
Portrait de Louis XVIII

 

Serait-ce une banane de Guadeloupe ou de Martinique ? Non bien sûr, puisque les bateaux, à cette époque, ne vont pas suffisamment vite pour transporter des bananes depuis les colonies. En réalité, les fruits dégustés par le roi proviennent du jardin des Plantes de Montpellier. C’est Alire Raffeneau-Delile, botaniste et directeur du jardin de 1819 à 1850, qui fait présent au roi d’un régime issu d’un bananier du jardin montpelliérain. Très gourmand, le vieux roi de 67 ans se régale de ce fruit inconnu.

En août 1824, Delile récolte un autre régime qu’il offre de nouveau à son souverain. Ce second envoi est mieux connu grâce aux archives. Louis XVIII se trouve alors au château de Saint-Cloud, l’une de ses résidences d’été favorites, à proximité de Paris. Il est affaibli par la goutte et la gangrène qui l’emporteront un mois plus tard. Le délabrement de sa santé ne l’empêche cependant pas de goûter avec plaisir les bananes. Christian Le Doux, frère de Delile, raconte :

« Le roi ne les avait pas oubliées et il vit celles-ci avec beaucoup de plaisir, trouva la grappe fort belle, et me dit par trois fois je vous charge de lui faire mes remerciements. […] Enfin je l’ai entendu répéter plusieurs fois c’est très bon, c’est excellent ».

On imagine sans peine combien la dégustation d’un fruit si rare a pu être une véritable évasion des sens  pour le roi malade.

Cependant, si l’anecdote est amusante, elle révèle bien des prouesses sur la banane !

La culture sous serre

On peut d’abord s’interroger sur la présence de bananiers à Montpellier dont le climat, tout méditerranéen qu’il soit, ne répond pas aux besoins de cette herbe tropicale. En fait, le bananier y est cultivé dans une serre chauffée qui reproduit les caractéristiques du climat tropical. Et ce n’est pas une mince affaire ! Il a fallu attendre 1731 pour que les premières bananes nées en Europe continentale voient le jour. Cet exploit s’est déroulé à Vienne, où l’on a réussi à faire fleurir un bananier dans une serre adaptée.

En 1783, des bananiers ont produit des régimes au jardin du Roy à Paris, l’actuel jardin des Plantes. Le célèbre naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck y indiquait la présence de « fruits passables quoique d’une médiocre grandeur ».  Au début du XIXe siècle, les techniques se sont améliorées tant et si bien que les bananes produites étaient considérées comme aussi belles et bonnes que leurs consœurs de la zone tropicale. Mythe ou réalité ?

À Montpellier, le jardin des Plantes est le plus ancien jardin botanique français puisqu’il a été créé en 1593 sous Henri IV. Les bananiers sont attestés en ce lieu dès le XVIIIe siècle. Raffeneau-Delile, qui a dégusté de véritables bananes lorsqu’il a accompagné Bonaparte en Egypte, s’intéresse à l’étude du bananier lorsqu’il est à la tête du jardin des Plantes.

L'orangerie du jardin des Plantes de Montpellier
L’orangerie du jardin des Plantes de Montpellier

Un voyage de 200 lieues

Outre la présence d’une banane produite en France hexagonale, la seconde prouesse est que Louis XVIII ait pu déguster des bananes provenant de l’autre bout du royaume ! Cela témoigne déjà de la difficulté de produire des bananes en serre puisque le jardin des Plantes de Paris n’a pu les fournir. Or, de Montpellier à Paris, il y a plus de 960 km à parcourir. Ce qui représente, dans les années 1820, un voyage de 10 jours en diligence ! Dans son emballage, le régime a donc eu largement le temps de mûrir et même de pourrir :

« presque toutes les figues étaient gâtées ou du moins dans un tel état de fermentation qu’il était impossible de les manger ».

Seules quelques bananes échappées au désastre ont pu être présentées au roi !

 

Source :

Motte Jean. Les Bananes de Monsieur Delile. In: Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 2, n°7-9, Juillet-août-septembre 1955. pp. 443-446.

Cet article est conservé par le centre de documentation de la Banane de Guadeloupe & Martinique à Rungis. Retrouvez-le également sur le site Persée.

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