L’ordonnance royale de 1736

Aujourd’hui, direction le 18e siècle avec une ordonnance royale qui obligeait les propriétaires martiniquais d’esclaves à planter des bananiers. On révise sa paléographie et on plonge dans l’un des premiers textes officiels qui évoquent la banane aux Antilles !

Ordonnance 1736
Archives nationales d’outre-mer (France), FR ANOM COL A 25 F° 237, Ordonnance de Champigny et d’Orgeville pour obliger les propriétaires à planter, dans chaque habitation, des maniocs et « bananicos », en proportion avec la quantité d’esclaves qui y travaillent (1736)

Maintenir l’ordre public

Avec l’installation des Français en Martinique et en Guadeloupe au 17e siècle, la culture de la banane va prendre de l’ampleur. Le 1 septembre 1736, le général et l’intendant de Martinique promulguent une ordonnance. Ce texte réglementaire force les propriétaires d’esclaves à assurer la subsistance de leurs esclaves. L’administration coloniale, loin de poursuivre des buts humanistes, cherche surtout à maintenir l’ordre public en évitant les vols de nourriture auxquels sont acculés nombre d’esclaves affamés.

Ordonnance 1736
Archives nationales d’outre-mer (France), FR ANOM COL A 25 F° 237, Ordonnance de Champigny et d’Orgeville pour obliger les propriétaires à planter, dans chaque habitation, des maniocs et « bananicos », en proportion avec la quantité d’esclaves qui y travaillent (1736)

« Ordonnance de Mrs de Champigny et d’Orgeville du 1er  7 bre (septembre) 1736

Nous sommes informés qu’un grand nombre d’habitans n’ont point de vivres sur leurs habitations, et qu’ils se contentent de laisser à leurs Nègres pour se procurer leur nourriture, un jour libre chaque semaine, qu’ils employent ordinairement au pillage des vivres de leurs voisins, Ces habitans peu attentifs à leurs véritables intérêts ne considèrent pas que ces jour bien comptés employés chaque année à planter, et cultiver des vivres sur leur terres suffiroient pour leur fournir une subsistance abondante, et légitime, au lieu qu’une conduite opposée, non seulement ruine leurs voisins, mais les ruine eux-mêmes par les fréquens Marronnages, les maladies, les mortalités de leurs esclaves… »

La banane pour assurer la subsistance des esclaves

Pour remédier à ces désordres, l’ordonnance impose aux propriétaires de subvenir aux besoins alimentaires de leurs esclaves. En complément de la production de manioc, ils sont désormais obligés de planter vingt-cinq bananiers plantain par esclave possédé.

Ordonnance 1736
Archives nationales d’outre-mer (France), FR ANOM COL A 25 F° 237, Ordonnance de Champigny et d’Orgeville pour obliger les propriétaires à planter, dans chaque habitation, des maniocs et « bananicos », en proportion avec la quantité d’esclaves qui y travaillent (1736)

« Qu’outre les Plantations ordinaires des Magnocs prescrites par les ordonnances précédentes, chaque habitant plantera incessamment sur ses terres 25 pied de Bannanicos pour chaque tête de ses Negres, et qu’il laissera et entretiendra après la première récolte, cinquante rejettons pour chaque tête. »

Les contrevenants seront punis

Ordonnance 1736
Archives nationales d’outre-mer (France), FR ANOM COL A 25 F° 237, Ordonnance de Champigny et d’Orgeville pour obliger les propriétaires à planter, dans chaque habitation, des maniocs et « bananicos », en proportion avec la quantité d’esclaves qui y travaillent (1736)

« Les habitant qui seront convaincus de n’avoir pas sur leurs terres la quantité de Magnocqs prescrite par les anciennes Ordonnances seront condamnés aux peines qui y sont portées, et ceux qui n’auront pas la quantité de Banannicos ordonné cy-dessus seront condamnés à payer dix sols par chaque pied de Banannicos qui leur manquera la caisse des Negres Justières, et en cas de récidive outre ladite amande, à deux mois de prison. »

 

Dès lors, la culture de la banane va se développer. Pour les esclaves, cette production symbolise un espace de liberté dans laquelle ils gèrent leur propre lopin. C’est de là que va émerger la figure du petit producteur qui caractérise encore aujourd’hui la banane antillaise.

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