Les Anglo-saxons se sont rapidement dotés de flotte de navires bananiers, mais il faut attendre 1907 pour que soit mis en service le premier navire français pouvant transporter des bananes, le Guadeloupe.
Une petite révolution
1907. Sur les quais du port de Fort-de-France, des femmes portent, en équilibre sur leur tête, des régimes de bananes. Elles les amènent au pied d’un navire flambant neuf, le Guadeloupe. Il a fière allure ce paquebot sorti le 15 décembre 1906 des Chantiers & Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët. Commandé par la Compagnie Générale Transatlantique (la Transat), il fut d’abord appelé Pointe-à-Pitre avant d’être renommé Guadeloupe. Il mesure 131 m de long, 16 m de large. Il accueille 243 passagers et 104 membres d’équipage. Ses six chaudières lui permettent d’atteindre une vitesse de 16 nœuds.
Quelques planteurs observent le chargement. L’anxiété et l’excitation les agitent. Le Guadeloupe porte leurs espoirs. Depuis quinze ans, les Antilles souhaitent développer la production de bananes pour les exporter vers la France hexagonale. Encore timide, le marché se développe dans les grandes villes ; et il est temps de remplacer les fruits en provenance des Canaries par des bananes françaises. Jusqu’à présent, les tentatives des planteurs antillais se sont soldées par des échecs. À bord des bateaux dédiés au transport des passagers, au service postal, au commerce du rhum et du sucre, les régimes de bananes sont arrivés avariés. Dans les cales seulement ventilées par les hublots et les panneaux, la température trop chaude provoquait le mûrissement accéléré des fruits.
C’est la première fois que la Transat propose un bateau doté d’une cale réfrigérée grâce à des installations frigorifiques. Cette cale dédiée aux bananes mesure 150 m², ce qui permet de transporter 900 régimes, l’équivalent de 10 tonnes.
Dix jours plus tard, la bonne nouvelle tombe. Le Guadeloupe a accosté au Havre. La cale réfrigérée a tenu ses promesses : la cargaison de bananes est arrivée en bon état.
Fort de ce premier succès, le Pérou est lancé en 1908. Il s’agit du navire-jumeau (ou sister-ship) du Guadeloupe : les bâtiments sont identiques. Ces deux paquebots vont assurer le transport dans de bonnes conditions.
Des capacités de transports limitées
Mais la malchance est là. Pendant plusieurs mois, les exportations de fruits martiniquais sont interdites car l’épidémie de fièvre jaune sévit. Cela va empêcher le développement de la production de bananes. Or, l’installation de cales frigorifiques est coûteuse et diminue le volume disponible sur le bateau. Il est donc nécessaire pour l’armateur d’avoir l’assurance de remplir les cales pour ne pas voyager à perte. De leur côté, les planteurs n’osent se lancer dans la production de bananes sans assurance de disposer de bateaux pour les transporter. Or, le Guadeloupe et le Pérou ont des capacités restreintes. C’est le serpent qui se mord la queue.
Très rapidement surgit la première Guerre mondiale. Les exportations sont stoppées et la banane devient rare en France. Le Guadeloupe et le Pérou sont affectés au transport des troupes. Le Guadeloupe est coulé le 25 février 1915 par les Allemands au large des côtes brésiliennes. À la sortie de la guerre, le Pérou ne transporte plus de bananes. Il remplacé par des générations de navires plus récentes avant d’être démoli en 1934.