Le 2 octobre 1925, au Théâtre des Champs Elysées, Joséphine Baker, jeune danseuse américaine noire, donne une représentation unique en son genre…
Ce soir-là, lors de La Revue nègre, Joséphine Baker danse un charleston endiablé avec son partenaire Joe Alex, avec, pour unique tenue, une ceinture de plumes. La chorégraphie provocante de la jeune fille de 19 ans lui vaut un succès fulgurant : la première célébrité noire du monde voit ainsi le jour à Paris.
La Revue nègre symbolise le goût de l’exotisme des Années folles. C’est en effet le premier spectacle musical représenté dans la capitale française, composé exclusivement d’artistes afro-américains. Si le scandale est au rendez-vous, le succès l’est aussi puisque la salle affiche « complet » dès le jour de la première. Forte de sa renommée, Joséphine devient la meneuse des célèbres Folies Bergère en 1926. C’est dans ce cabaret que les plumes laissent place à la célèbre ceinture de bananes…
La banane, symbole érotique… et raciste
Adulée, Joséphine incarne le fantasme colonial de la France. Coupe à la garçonne, elle danse avec vitalité, livrant sans gêne sa presque nudité. Sa ceinture de bananes autour de la taille incarne l’érotisme et entretient les fantasmes de la société française sur les populations et les cultures supposées d’Afrique… Des pays dits « sauvages » et « dominés ». La banane, fruit des Tropiques, est associée aux populations noires. La Revue nègre et les Folies Bergère sont les cibles de nombreux propos racistes et conservateurs. Robert de Flers, membre de l’Académie française et critique au Figaro évoque « un lamentable exhibitionnisme transatlantique qui semble nous faire remonter au singe en moins de temps que nous n’avons mis à en descendre ».
Joséphine Baker, une artiste engagée
Derrière l’artiste extravagante qui bouscule les conventions, Joséphine Baker est également une femme engagée. Dès 1940, elle s’engage dans la Résistance française et doit s’exiler suite à l’interdiction faite aux artistes juifs et noirs de se produire sur scène. Tout au long de la guerre, elle sert activement la France Libre du Général de Gaulle, comme espionne puis comme ambassadrice. La paix revenue, elle met sa popularité au service de la lutte pour l’émancipation des Noirs aux États-Unis, son pays d’origine. Elle ouvre ses spectacles aux Afro-Américains, à l’heure où la ségrégation leur interdit encore l’accès aux espaces publics avant de soutenir le mouvement pour les droits civiques de Martin Luther King.
La ceinture de bananes de Joséphine Baker a donc incarné à elle seule les préjugés raciaux de la France colonialiste de l’Entre-deux-guerres. Cependant Joséphine, libre et sensuelle, a réussi à s’extraire de ce stéréotype pour devenir une véritable muse des Années folles. Quant à la banane, la danseuse l’a faite entrer dans l’imaginaire collectif, à l’heure où les Français la consommaient de plus en plus.