De mai à novembre 1937, l’ Exposition universelle (renommée depuis Exposition internationale des Arts et des Techniques) place Paris au cœur du monde. À cette occasion, la capitale française accueille plus de 31 millions de visiteurs. Pour nombre d’entre eux, c’est l’occasion de découvrir la banane des Antilles.
Sur l’île aux Cygnes, petite langue de terre située sur la Seine, le dépaysement attend les visiteurs de l’Exposition universelle à chacun de leur pas. Des mystérieuses statues des divinités hindoues à la découverte des lointaines colonies d’Asie, en passant par le riche artisanat marocain, les danseuses traditionnelles du Maghreb ou le minaret du pavillon algérien, tout est prétexte à voyager pour le visiteur ébahi car c’est en ces lieux enchanteurs que sont regroupées les nombreuses colonies de l’empire français.
La banane, une production coloniale en développement
Tandis que la biguine interprétée avec entrain par le célèbre Stellio et son orchestre anime le pavillon de la Guadeloupe, la foule se presse entre les stands bigarrés de la Martinique. Et l’affluence est particulièrement forte près d’un grand comptoir blanc derrière lequel plusieurs dames vêtues de la traditionnelle tenue créole offrent des bananes. Un officiel est présent ce jour-là avec sa délégation. Il est tout sourire lorsqu’on lui offre une banane. Il sait que ce fruit est devenu, en peu de temps, une culture d’importance aux Antilles avec pour la seule année 1937, plus de 39 000 tonnes exportées par la Martinique et presque 48 000 tonnes par la Guadeloupe. Cette dernière peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir dépassé la Guinée, jusque là première colonie pourvoyeuse de bananes pour la métropole.
Derrière, les visiteurs patientent pour obtenir le précieux fruit. Depuis une dizaine d’années, la banane est entrée dans le panier de la ménagère. On trouve plus régulièrement ce fruit tropical chez l’épicier. La raison est avant tout politique : le gouvernement veut favoriser la banane des colonies. Pourquoi acheter à l’étranger ce que l’on peut produire soi-même, aux Antilles françaises, en Guinée ou au Cameroun ? Cette nouvelle production destinée à l’exportation doit servir à développer l’économie encore trop faible des colonies. Conséquence de cette orientation politique ? En quelques années seulement, la variété Gros-Michel, avec sa forme allongée, a remplacé la banane des Canaries, plus petite et courbée, qui fut la première banane importée en France en raison de sa relative proximité géographique.
Les visiteurs quittent ensuite l’île aux Cygnes pour découvrir les pavillons des 52 pays exposants, qui couvrent le Champ-de-Mars et les jardins du Trocadéro. Faisant fi du contexte politique tendu (Allemagne nazie, guerre civile en Espagne, conflit sino-japonais…), l’Exposition de 1937 ambitionne de promouvoir la paix. Vain espoir puisque la guerre sera déclarée deux ans plus tard. Mais pour l’heure, tout le monde l’ignore. Tout comme, l’absence totale de bananes des Antilles sur le marché français qui en découlera.