Itinéraire d’un planteur de bananes : épisode 2

Cette semaine, nous continuons de découvrir la vie d’Henri qui passe du statut d’ouvrier agricole à celui d’exploitant de ses propres terres.

Comment Henri accède à la propriété

Dans les années 60, le Général de Gaulle impulse une politique agricole qui vise à moderniser l’agriculture française afin d’accroître sa productivité. L’objectif est double : assurer l’autosuffisance alimentaire française et exporter à l’international.

En 1966, la Martinique fait l’objet d’une vaste réforme foncière. Plus de 2 000 hectares, dans la plaine du Lareinty, sont rétrocédés par de grands propriétaires afin d’être vendus à bas prix sous la forme de lots de 4 hectares. Cette opportunité extraordinaire est saisie par plus de 400 ouvriers agricoles sans terre. C’est le cas d’Henri.

« J’ai appris qu’on vendait des terres à Lareinty. J’ai tout de suite été intéressé, aussi en ai-je parlé à mon patron dès mon retour sur la propriété. « Oui, je sais, m’a-t-il dit. Mais il ne faut pas acheter n’importe lesquelles. Prenez celles qui sont sur Ducos », m’a-t-il conseillé. Il avait travaillé comme économe sur une plantation du coin, il savait ce qu’il disait. J’ai donc suivi son conseil et j’ai acheté 3,5 hectares de terres sur Ducos. J’avais alors trente ans.

La banane de Martinique

Se lancer dans la production de bananes

À l’époque, la SATEC, qui était une société d’assistance technique, conseillait à ceux qui se lançaient de commencer par cultiver 1 hectare. Il fallait le défricher soi-même, au coutelas et à la faucille, parce qu’il n’existait pas de machines pour ça ! Aujourd’hui, la chose prendrait trois heures avec un girobroyeur, mais en ce temps-là, ça prenait des jours.

Je me suis lancé, mais au bout d’un moment, j’ai bien vu qu’il ne m’était pas possible de mener de front mon entreprise à Ducos et mon travail à Rivière-Salée. J’ai donc décidé de quitter mon patron. « Tu veux partir ? Mais ce n’est pas possible. Je refuse ! », m’a-t-il rétorqué. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’était vraiment pas content, mais je suis parti quand même.

Mon hectare défriché, je l’ai planté pour moitié de canne et pour l’autre de bananes. On procédait ainsi, à l’époque. Puis j’ai progressivement augmenté la surface cultivée, jusqu’à planter la totalité en bananes.

Les petits planteurs comme moi se sont regroupés pour créer une SICA, la SICA du Lareinty. Il en existait une ou deux dans chaque commune de la Martinique. Ces SICA étaient coiffées par un organisme appelé l’Union des SICA. C’était une bonne structure, et au début, tout allait bien. Mais certains des adhérents étaient des « coquins », des gens qui étaient là non pas pour servir mais pour se servir. Cette façon de faire a découragé certaines personnes et nous a desservis.

J’ai tenté de me battre pendant un temps, mais quand vraiment ça n’a plus été, j’ai préféré rejoindre la SICABAM, c’est-à-dire les exportateurs, pour travailler directement avec eux.

J’ai beaucoup travaillé ; j’ai récolté de beaux fruits, et tout comme pas mal de petits planteurs de la Martinique, qui sont devenus moyens, voire gros planteurs, je me suis agrandi au fil du temps.

Je suis devenu un professionnel de la banane. À cinq, on a acheté un tracteur en commun. » (Témoignage d’Henri)

planteur de bananes

Pour voir l’épisode 1 et l’épisode 3.

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