L’épopée maritime de la banane

Les progrès du transport maritime ont été décisifs dans le développement du commerce de la banane. Des cargos aux porte-conteneurs, découvrons un pan de l’histoire de la marine marchande.

Cargo bananier en 1935
Cargo bananier de l’armement Louis Martin. Vers 1935. Collection Musée portuaire de Dunkerque

Jusqu’au début du XXe siècle, les navires ne sont pas adaptés et les bananes ne peuvent être acheminées que sur de courtes distances. Dès que la durée du voyage dépasse une semaine, la question de la conservation des fruits devient primordiale. Pendant les 10 à 15 jours de voyage, il faut à tout prix refroidir et ventiler les cales pour maintenir les bananes à 13°C afin d’empêcher le développement de l’éthylène qui provoque leur mûrissage.

Des débuts difficiles

Dans le dernier tiers du XIXe siècle, les essais se multiplient dans le monde pour transporter la banane depuis les pays producteurs (Antilles, Amérique latine) vers les centres de consommation américains et européens. Au départ, sont réquisitionnés les navires traditionnels qui disposent de cales munies d’une bonne ventilation. Les conditions sont cependant loin d’être idéales puisque les pertes sont élevées.

Avec la demande croissante de bananes aux États-Unis, apparaissent à partir de 1901 des navires à vapeur dédiés au transport des régimes de bananes. Ces bananiers disposent de cales réfrigérées. Ils sont principalement utilisés entre la Jamaïque, Panama et les États-Unis, et entre la Jamaïque et l’Angleterre. En France, il faut attendre 1907 pour que la Compagnie Générale Transatlantique lance ses premiers navires dotés de cales réfrigérées à destination des Antilles. Environ 600 régimes peuvent alors être transportés, soit 9 à 10 tonnes par voyage. Cette faible capacité des navires freine le développement de la banane antillaise.

Constitution de la flotte française de bananiers 

Sous l’impulsion du gouvernement français désireux de soutenir la production de bananes des colonies, les armateurs français vont se doter au cours des années 30 d’une véritable flotte de navires spécialisés dans le transport de la banane. En 1939, la France devient ainsi la 4e flotte bananière mondiale, avec 26 bateaux, dont 12 sont dédiés aux Antilles. Ces derniers disposent des équipements modernes de froid qui maintiennent les cales à une température d’environ 12°C. De plus, ils sont rapides (12 à 14 nœuds), ce qui leur permet de relier rapidement les Antilles et l’Afrique à l’Hexagone pour acheminer les fruits dans de bonnes conditions. La capacité totale de la flotte française s’élève à 200 000 tonnes de bananes par année.

Bananier Fort Saint Louis
Arrivée à Dieppe du cargo Fort Saint-Louis de la Compagnie générale transatlantique. Collection Musée portuaire de Dunkerque

Des polythermes aux porte-conteneurs

À partir des années 60, les bananiers se métamorphosent. Toujours plus grands et plus rapides, ils vont devenir polyvalents. Ainsi, en 1964, les polythermes sont créés. Ces navires disposent de températures pouvant varier de -10°C à +12°C. Cela leur permet de transporter d’autres denrées périssables, comme la viande. En diversifiant les marchandises, les navires polythermes polyvalents permettent aux armateurs de rentabiliser plus efficacement les voyages.

Le début des années 80 marque une nouvelle étape avec la mise en service des porte-conteneurs. Sur ces géants des mers, les palettes de bananes intègrent des conteneurs réfrigérés. Le principe de polyvalence triomphe puisque de nombreuses marchandises, périssables ou non, sont transportées. Les chiffres des porte-conteneurs donnent le tournis ! En 2019, les porte-conteneurs de la ligne Antilles de la CMA CGM mesurent ainsi 219 mètres de long et disposent de 3 500 conteurs dont 850 réfrigérés !

Depuis de nombreuses décennies, le fret de la banane constitue une véritable aubaine pour les Antilles. En effet, ce flux important et régulier permet d’acheminer à moindre coût d’autres produits importés de l’Hexagone.

Porte-conteneurs Fort Saint Georges
Porte-conteneurs reefer CMA CGM Fort Saint Georges. 2013. Collection Musée portuaire de Dunkerque

4 commentaires sur « L’épopée maritime de la banane »

  1. Je me souviens avec beaucoup de nostalgie, d’un embarquement sur le Fort de France comme novice qui alimentait le marché US en banane entre « Puerto Limon » au Costa Rica et « Wilmington » dans le Delaware entre février et juillet 1973 ou le navire fut désarmé et revendu à la Del Monte.

  2. Les premiers navires conteneurisés sur le trafic des Antilles françaises répondaient à la norme PCRP, d’où leur appellation (Porte Conteneurs Réfrigérés Polyvalents). L’idée originale ayant donné naissance à ce type de transport permettait d’utiliser des conteneurs spéciaux équipés de manchons. Elle est attribuée au PDG Ribière et à ses collaborateurs du département technique de la Cie Générale Transatlantique, rachetée par la suite sous le président Chirac par la CMA.
    Cette idée de génie permettait d’utiliser les conteneurs 20′ ou 40′ à pleine capacité (ils n’étaient plus équipés de groupes froid) tant pour les marchandises générales au départ d’Europe que pour la banane au retour des Antilles.
    Les navires disposaient d’une production de froid delivrée par colonne de conteneurs pourchacunedes unités, réglable au demi-degré près.
    Aujourd’hui, compte tenu de l’évolution des trafics et de l’organisation mondialisée des dessertes, ce mode de transport est devenu totalement obsolète.

    1. Bonjour, merci à vous pour ces précisions très intéressantes ! Les PCRP ont constitué une véritable révolution technique et commerciale pour les
      bananes de Guadeloupe et Martinique.

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